Le passe-muraille de Marcel Aymé

passe110 nouvelles dans ce recueil de 1943.

Monsieur Aymé était des plus irrévérencieux et se moquait ouvertement du gouvernement, de l’Eglise, des puissants en général (c’est peut-être cela qui l’a poussé à rendre hommage à Arsène Lupin dans la nouvelle « La clef sous le paillasson » qu’on trouve dans un autre recueil, Le nain).

le passe-Muraille, alias Dutilleul, obscur employé d’un obscur ministère, d’abord ennuyé d’un don aussi original qui ne s’accorde pas avec une tranquille vie de fonctionnaire s’amuse finalement à terroriser son affreux chef de service avant de jouer les Arsène Lupin chez les riches et dans les banques, pour mieux ensuite se faire arrêter pour le plaisir de s’évader (il faut bien faire éclater son talent au grand jour). Ensuite, dans « Les Sabines », une jeune femme se multiplie à loisir et à l’infini grâce au don d’ubiquité, ce qui aura des conséquences attendues et inattendues. Dans « La Carte », les gens inutiles n’ont pas le droit de vivre pleinement leur vie, mais doivent mourir temporairement plusieurs jours (voire semaines) chaque mois pour que l’existence soit plus confortable pour les autres…

Je pense que ces 3 petits résumés à eux seuls doivent vous donner envie de visiter ce recueil où le fantastique – ou plutôt la fantaisie –  ouvre la danse, et où la dérision et le sérieux sont toujours là.

Statue de Marcel Aymé par Jean Marais (Montmartre)

Statue de Marcel Aymé par Jean Marais (Montmartre)

Marcel Aymé est avant tout un peintre de l’âme humaine, et qu’il le fasse avec bonté ou ironie, il est toujours juste. Ainsi dans « Les Bottes de sept passe3lieues » dénonce-t-il les riches (encore plus dans « L’huissier »), mais montre-t-il la pauvreté sans fard , avec honnêteté sans tomber dans le pathos.  Il se moque, mais il tape là où ça fait mal, les propriétaires qui laissent leurs locataires dans des appartements vétustes, dangereux, mais collectent leurs loyers avec une régularité d’horloge (toujours d’actualité, l’huissier!), il attaque l’Eglise, la religion, puisqu’il suffit d’être mort à la guerre, même en étant le pire des hommes, pour entrer au paradis…

Marcel Aymé attaque, mais sans oublier l’humour, ainsi, l’huissier mérite d’entrer au paradis pour une seule chose : il a crié « a bas les propriétaires! »

Une seule nouvelle m’a déplu, et pas vraiment pour sa qualité, mais plutôt parce qu’au milieu de la dénonciation féroce mais souriante de la société, celle-ci est simplement féroce. C’est la dernière nouvelle du recueil, « En attendant », où 14 personnes se confient leurs malheurs dans la file d’attente d’un magasin, sous l’occupation. Cela sonne juste, mais c’est une étrange façon de finir un recueil qui se plaçait surtout sous le signe de l’humour (même s’il est corrosif).

passe2Quant à la nouvelle titre, j’avoue me souvenir un peu vaguement du film, mais je trouve que le développement du sujet, et le rôle de Dutilleul dévolue à Bourvil ont fait merveille pour magnifier un petit texte humoristique et en faire une jolie comédie populaire.

3 réflexions sur “Le passe-muraille de Marcel Aymé

  1. Les nouvelles de Marcel Aymé sont des merveilles, de même d’ailleurs que ses romans, souvent plus sombres, mais toujours empreints de cette tendresse sans illusion pour l’humanité.

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