La Vouivre – Marcel Aymé et Georges Wilson

la vouivre romanQuel difficile exercice que l’adaptation… Quel difficile exercice que l’écriture…

Il y a quelques mois déjà, je me suis offert le DVD de La Vouivre (1989), film fantastique réalisé par Georges Wilson, avec dans le rôle principal son fils Lambert, d’après le roman écrit par Marcel Aymé qui excellait par ailleurs dans l’art de la nouvelle. Je suis restée un peu perplexe face au film, et j’ai donc décidé de lire le livre avant d’écrire quoique ce soit sur le film.

Je suis encore plus perplexe à l’arrivée. Je ne peux en effet pas vous dire quelle version je préfère, d’ailleurs mes sentiments sont très mitigés vis-à-vis du texte. Ce n’est pas la plume de Marcel Aymé qui est en cause, mais la façon dont il nous raconte l’histoire. Ce que je n’aime pas dans le roman, je le préfère dans le film, car Georges Wilson a fait de grosses infidélités à l’oeuvre en ce qui concerne les personnages, et surtout leur caractère. Je pense, à bien y réfléchir, que la solution quand à ce problème (si s’en est un), est la nature anticléricale de l’oeuvre de Marcel Aymé (il n’est pas tendre non plus avec les propriétaires terriens, les élus, les campagnards, etc… en fait, aux vues de cette lecture et des précédentes – Le Passe-muraille – il n’est tendre avec personne!). En effet, si la Vouivre de Georges Wilson est bien une créature fantastique, mythique, fascinante, celle de Marcel Aymé ne tient pas la distance face au « bon sens » campagnard (comprenez, l’appât du gain). Car le personnage d’Arsène Muselier comme l’habitante des points d’eaux du Jura, n’est pas le même quand il passe du livre au film…

la vouivre afficheJ’avais beaucoup aimé le personnage d’Arsène vu par Georges Wilson. Ce jeune homme rescapé de la Grande guerre qui revenait chez lui pour se sentir étranger à tous (on le croyait mort et on avait du mal à l’accepter vivant), que ce soit sa famille ou ses connaissances, et étranger au monde (il avait survécu à tant d’horreur),qui rencontrait cette créature fascinante, un brin sulfureuse, qui elle aussi était étrangère au monde, mais parce qu’immortelle et intemporelle, et se prenait d’une passion étrange pour elle. Il me semblait y trouver une vraie réflexion sur les ravages de la guerre, sur l’incompréhension de ceux qui ne l’avait pas vécu du fond des tranchées et qui voulaient oublier alors que ceux qui l’avaient vécu ne pouvaient pas… Peut-être que j’extrapole un peu, mais Arsène avait pour moi tout d’un héros romantique, certes campagnard (ça nous change de Chatterton et autre Hernani), mais puissant dans sa tragédie. Et me voilà ouvrant le livre de Marcel Aymé pour me trouver face à un terrien borné qui n’a pas fait la guerre et qui finalement ne s’intéresse qu’à une chose, devenir un propriétaire terrien… Il est dur, il est froid, il est calculateur, et la Vouivre n’est qu’une fille de plus qui lui coure après (qu’est-ce qu’elles lui trouvent toutes, Rose, Belette, Juliette, et la Vouivre ? personnellement, le personnage m’a déplu… mais soyons honnête, il n’y a guère que la pauvre Belette et Juliette que j’apprécie dans ce roman). Notre Vouivre a cependant quelques belles tirades sur le monde, sur ce qu’il a été, ce qu’il est, entre philosophie et une pointe d’écologie avant l’heure, mais elle n’est qu’une fille ordinaire à cela près qu’elle est immortelle (c’est ainsi qu’Arsène la voit, c’est ainsi que le lecteur finit par la voir également).

laurence treil et lambert wilson

La violence faite aux femmes dans le livre me déplaît aussi. Violence ordinaire, pas forcément toujours physique, mais voilà, entre les coups portés à la Vouivre par Arsène (elle aurait bien fait de lui lâcher ses serpents, tiens!) et Rose Voiturier qui n’est finalement qu’un moyen d’obtenir les terres de son père, on trouve la sage Juliette, amoureuse et les pieds sur terre, mais assez réaliste aussi, et la pauvre Belette, gamine qui rêve à ce qu’elle ne peut pas avoir. Les hommes sont des brutes, esclaves de leur instincts sans élévation, de dieu, de la politique, de la vie… Ce n’est pas des plus réjouissants. Et finalement, c’est le fossoyeur, Requiem, dans son alcoolisme qui dit une vérité, l’amour c’est dans le coeur, mais comme cette vérité est noyée dans des litres de vins et des océans d’ivrognerie…

Ne vous méprenez pas, le roman est très bien écrit, juste, prenant, mais au final plutôt déprimant, et j’avoue qu’en ce moment, je n’ai pas envie de lire des choses qui m’attriste (La réalité est déjà bien assez triste comme cela… Je sais, je réfléchis trop, ça sera ma perte!)

lectures de Janvier 2014

Le mois de Janvier peut-être qualifié d’orgie livresque aux vues de la liste qui suit… L’enthousiasme pour la pile de livres arrivés à Noël, sans doute… Certains ont déjà leurs chronique, auxquelles, je vous renvoie. J’ai été très infidèle à Arsène ce mois-ci, les livres Holmésiens ayant été légion sous le sapin :

Sherlock Holmes and the Hentzau affair de David Stuart Davies, Le Mystère Sherlock de J.M. Erre et Les Exploits de Sherlock Holmes d’Adrian Conan Doyle et John Dickson Carr (chronique à venir). Enfin, chez J.M. Erre, Lupin n’est pas loin malgré tout…

hentzau

In English HERE

mystère sherlock

j’en suis revenue au gentleman-cambrioleur grâce à  Arsène Lupin de A à Z de Philippe de Côme et quelques relectures (notamment Arsène Lupin contre Herlock Sholmès… allez donc faire un tour du côté de ma page Les Aventures d’Arsène Lupin pour en savoir plus!)

al de a à zEnsuite, ce fut une lecture « sérieuse » en rapport avec L’ami Arsène, puisqu’elle concernait le créateur d’un de ses illustres émules, Edgar Pipe. Arnould Galopin de Pierre Chevallier retrace la vie et les oeuvres d’un auteur populaire injustement oublié. Une chronique complète arrivera à l’occasion du 151ème anniversaire de sa naissance, le 9 février prochain.

couverture biographie

J’ai continué à revisiter mes classiques avec La princesse de Montpensier de Mme de Lafayette (suivi de La Comtesse de Tende). J’étais curieuse de lire ce court texte depuis que j’avais vu le film de Bertrand Tavernier (chroniqué ICI). J’avoue que le film a offert un souffle épique à ce texte court qui  est plus éducatif qu’épique (l’adultère à l’époque, on ne plaisantait pas  avec ça 😉 ).

montpensierPrésentation éditeur :  A la fin de la Renaissance, le duc de Guise s’éprend de Mlle de Mézières. Mais bien qu’elle l’aime aussi, la jeune fille est contrainte d’épouser le prince de Montpensier. Trois ans plus tard, un jour qu’il a perdu son chemin près du château de la princesse, le duc la rencontre au bord d’une rivière où elle est venue se reposer : elle rougit à sa vue, et lui-même comprend aussitôt que sa propre passion n’est pas morte.
Publié en 1662, le court récit de La Princesse de Montpensier fonde l’art classique de la nouvelle. Plus concise encore, et sans doute écrite la première, La Comtesse de Tende, qui resta inédite jusqu’au XVIIIe siècle, raconte elle aussi l’histoire d’un amour adultère, mais d’une noirceur plus grande. Car la noblesse et la magnificence des personnages ne doivent pas nous tromper. Mme de Lafayette jette sur la condition humaine un regard sombre et les deux héroïnes sont précipitées à l’abîme : La Princesse de Clèves leur fera bien plus tard écho.

lartJ’ai poursuivi dans le sérieux avec L’art d’avoir toujours raison d’Arthur Schopenhauer. Je ne sais pas si grâce au philosophe allemand j’aurais toujours le dessus dans une discussion (pas sûre…), mais j’admire l’art de la dialectique avec laquelle il prouve que c’est faisable (même si parfois il faut user de la mauvaise foi et du mensonge… la rhétorique est aussi une guerre!). Attention, ne pas prendre ce livre pour une lecture détente, vous risqueriez d’en ressortir avec un gros mal de tête (ou d’abandonner tout simplement) !

Présentation éditeur : L art d avoir toujours raison est un précis à usage des disputeurs, des contradicteurs et de toute personne ayant pour but de faire éclater la grande vérité (réelle ou fantasmée) de ses propres thèses, et de faire tomber les arguments fallacieux de ses adversaires, par des techniques applicables en tout lieu et en toute époque. 
Très argumenté, brillamment structuré, et ne manquant pas d humour, ce texte fait montre d une grande culture, d une belle clarté, et d une certaine ironie, qui vise en transparence la mauvaise foi de chacun de nous.

Après une telle lecture, il fallait bien rire un peu. En dehors du roman Le père Denoël est-il une ordure ? de Gordon Zola que j’ai chroniqué au terme de ma lecture, j’ai également lu Etat Critique du même auteur (chronique à venir).

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J’ai ensuite basculé du côté obscur, mon autre passion (si on oublie Arsène Lupin, Queen, les teckels… soit, une de mes autres passions !), le fantastique, le surnaturel et l’horreur (rire démoniaque). Vous avez pu lire ma critique de The Woman in Black de Susan Hill, associée à des réflexions sur son adaptation théâtrale et cinématographique.

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Je publierai dans les semaines à venir une chronique de La Vouivre de Marcel Aymé, puisque j’ai enfin lu le roman, après avoir vu le film de Georges Wilson il y a quelques mois. Là aussi l’adaptation est au coeur de l’article. 

la vouivre roman

Toujours à venir, une chronique de A la recherche de Dracula . Carnet de voyage de Jonathan Harker de Pascal Croci et Françoise-Sylvie Pauly, un très beau livre qui mêle textes et dessins et revisite le voyage de Jonathan Harker vers les Carpates du seigneur de la nuit… (Chronique : ICI)

A la recherche de Dracula, carnet de voyage de Jonathan Harker

Enfin, dernier livre de cette longue liste, The Hobbit de J.R.R. Tolkien. J’ai lu le roman en version française il y a des années, au moment de la sortie de la trilogie du Seigneur des anneaux, je pense.  J’ai eu envie de découvrir le texte original à cause de la seconde trilogie qui semble s’annoncer sous les meilleurs hospices. Le premier film est très fidèle à l’oeuvre, avec la patte de Peter Jackson en prime, et je suis impatiente de voir le second (en V.O. ce qui explique que ce n’est pas encore fait). Le roman est charmant, porte en germe le Seigneur, même s’il est bien plus léger, destiné aux enfants, et Bilbo est un héros bien sympathique, puisque le pantouflard hobbit se révèle finalement – à sa propre surprise – un grand aventurier…

Présentation éditeur : Bilbo, comme tous les hobbits, est un petit être paisible et sans histoire. Son quotidien est bouleversé un beau jour, lorsque Gandalf le magicien et treize nains barbus l’entraînent dans un voyage périlleux. C’est le début d’une grande aventure, d’une fantastique quête au trésor semée d’embûches et d’épreuves, qui mènera Bilbo jusqu’à la Montagne Solitaire gardée par le dragon Smaug… Prélude au Seigneur des anneaux, Bilbo le Hobbit  a été vendu à des millions d’exemplaires depuis sa publication en 1937, s’imposant comme l’un des livres les plus aimés et les plus influents du XXIème siècle.

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Bonne lecture !

Jean Marais – Oeuvre plastique

La première image qui vient à l’esprit quand on mentionne Jean Marais, c’est bien sûr sa carrière cinématographique avec des rôles bondissant et emblématique comme le Bossu, le Capitaine Fracasse ou La Tour prends garde. Mais Jean Marais, qui préférait être qualifié d’artisan plutôt que d’artiste, s’est essayé à bien d’autres choses. 

J’aimerais vous parler du peintre et du potier. 

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On attribue souvent à Cocteau le fait que Jean Marais se soit mis à peintre, et je ne nie pas l’influence du poète, cependant, dans ce beau livre qui rassemble beaucoup d’oeuvres de Jean Marais, on découvre un auto-portrait à 16 ans qui prouve bien que Jeannot était attiré par l’art en général et que sa rencontre avec le poète est une conséquence, et pas un déclencheur. Je crois que Jean Marais était curieux de tout, et c’est pour cela qu’il est venu plus tard à la poterie en s’installant dans la belle ville de Vallauris. 

Je ne veux pas vous raconter sa vie, il le fait très bien dans Histoire de ma vie, mais mettre en lumière mes oeuvres préférées dans son travail.

D’abord, cette nature morte, ainsi qu’un témoignage (je m’excuse pour la qualité des photos, mon appareil et moi sommes fâchés…)

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Bouquet de Fleurs, huile sur toile (coll. privée)

Paul Morihien, secrétaire de Cocteau témoigne : « Jean Marais a un carrière fabuleuse et difficile. Elève de Jean Cocteau, parti de rien, il joue avec son instinct, sa volonté et une opiniâtreté hors du commun. Ses créations s’appuient sur son goût de l’observation des choses et des êtres avec toujours une innocence propre à l’émerveillement de l’imprévu. Jean Cocteau lui a appris à découvrir les codes. Toujours perfectionniste, il prend le temps pour tout ce qu’il entreprend, voulant sans doute atteindre la perfection de son maître et dépasser ses limites. Ce qui m’étonne, c’est que tout au long de sa vie, par cette opiniâtreté, il ne cesse de progresser. Acteur, il est étonnant aujourd’hui et son jeu de septuagénaire est supérieur au jeune premier. Artiste plasticien, il acquiert de nouvelles techniques et nous révèle avec talent ses nouvelles expressions. »
 

Voici un beau témoignage sur l’homme et son désir d’être toujours meilleur dans ce qu’il entreprend. J’ajoute que j’adore cette nature morte, cependant mes deux oeuvres préférées de Jean Marais sont un bronze, un lion qui représente pour moi à la fois la Bête de Cocteau et le Soleil que fut, qu’est toujours Jean Marais.

lion

et un portrait de l’actrice Sylvia Monfort, que Jean Marais mit 5 ans à terminer, et qui représente la jeune femme avec la Loire en arrière-plan. Les roses qui poussent sur sa robe sont hautement poétiques et m’ont toujours fasciné. J’avoue que je pense tenter un jour de le reproduire, en hommage à Jeannot…

jean marais silvia montfort

Sylvia Montfort par Jean Marais (1961)

Une autre oeuvre de Jean Marais sur mon Blog : Marcel Aymé en passe-muraille