Voici un album qui manquait à ma collection ! Je remercie Laurence de Sherlock Analyse pour ce joli cadeau de Noël. En solo, les membres de Queen ont souligné que leurs talents respectifs, leurs centres d’intérêts, leurs aspirations étaient différentes. Si Freddie Mercury est l’auteur du revanchard Death on Two Legs (dédié, si l’ont peut dire, au manager dont ils venaient de se séparer à grands frais et avec difficultés), celui qui a toujours été le plus incisif, c’est Roger Taylor (son fils disait récemment dans une interview que Freddie et Roger étaient les mauvais garçons de Queen). Ainsi, ses prises de positions sont toujours fermes, corrosives et assumées, mais ses mélodies et ses textes n’en sont pas moins poétiques.
Cet album a 20 ans et pour moi, il n’a pas vieilli… (certains des textes, comme Nazis 1994, n’ont d’ailleurs pas perdu leur actualité, ce qui est assez triste… mais c’est un autre problème). Dans Revelation, The Key ou Dear Mr. Murdock, Roger Taylor ouvre le débat sur ce qui n’allait pas dans les années 80, 90 (et qui ne va toujours pas… Triste constat) : la faim dans le monde, la misère, la politique, la religion, et cette chère presse (Avec Mr. Murdock. Brian May avait écrit Scandal pour Queen, parlant du mal que peut faire la presse qu’on appelle maintenant People, mais qu’on disait il y e encore peu à scandales). Roger n’a pas changé le monde (le Live Aids n’a pas changé le monde… le monde changera-t-il un jour), mais il a le mérite d’être honnête et celui de s’indigner.
Même dans ses chansons romantiques, une touche de causticité est là ( dans Touch the Sky, je ne peux que sourire en entendant ces mots : « When you smile, politicians don’t lie » (Quand tu souris, les politiciens ne mentent plus)).
Cependant, c’est malgré tout une douce mélancolie que habite cet album, avec Happiness, la chanson qui lui donne son titre et qui n’oublie le point d’interrogation, car si le bonheur est une chose simple, il est bien difficile à atteindre. Loneliness (la solitude) lui répond, de même que Everybody hurts sometimes, parce que la vie n’est pas simple et que parfois on souffre.
Il y a surtout Foreign Sands, très belle chanson (une de mes préférées) qui appelle à la tolérance, à découvrir le monde, autrui, à observer, comprendre et accepter. Enfin, il y a Old Friends écrite pour Freddie Mercury (disparu en 1991), une des plus belles chansons sur l’amitié qui soit à mon sens. Roger ne glorifie pas Freddie, ne lui prête pas toutes les qualités (comme on le fait souvent – souvent à tort, nous sommes tous humains après tout, même les chers disparus – quand on perd quelqu’un). Roger nous dit avant tout que Freddie était humain, et qu’ils étaient amis. J’insiste sur le mot « ami » si galvaudé de nos jours. Freddie était là pour Roger, voilà ce qu’il veut nous dire, là quand ça allait et quand ça n’allait pas, là pour rire et pour pleurer. Les dernières paroles de la chanson sont pour moi l’une des plus belles déclarations qu’on peut faire à un ami.
Sleep in peace old friend, for me you’ll never die.
The Best thing I can say, after all this time, is
You were a real friend, of mine.
(Dors en paix vieil ami, pour moi tu ne mourras jamais.
La chose la plus importante que je peux dire, après tout ce temps, c’est
que tu fus un vrai ami pour moi.)

Cette chanson me touche énormément, par sa simplicité. J’espère pouvoir un jour leur rendre hommage de cette manière, pour ce qu’ils m’ont donné – l’inspiration – et j’espère, si jamais cela tombe sous leur yeux, qu’ils souriront comme cette chanson me fait toujours sourire, même les larmes ne sont pas loin derrière.
Roger Taylor n’est pas seulement le batteur de Queen. Roger n’est pas seulement celui des quatre qui avait un humour corrosif et qui aimait à jouer les mauvais garçons. Roger, c’est un brillant parolier, un homme qui expose ses idées, directement, mais avec beaucoup plus de sensibilité qu’on ne peut le deviner. Je n’ai pas encore eu l’occasion d’écouter son nouvel album, mais Happiness est pour moi un bel aboutissement.