Blanche-Neige doit mourir de Nele Neuhaus

blanche-neige-doit-mourir-380230D’abord un grand merci à l’adorable libraire qui m’a recommandé ce roman, je n’aurais pas forcément été vers l’oeuvre de Nele Neuhaus. Merci chère Gabrielle !

présentation éditeur : Un soir pluvieux de novembre, une femme est poussée du haut d’un pont. Très vite, l’enquête ramène Pia Kirchhoff et Oliver von Bodenstein vers le passé : des années auparavant, deux jeunes filles avaient disparu dans ce même petit village allemand. Sur la foi de maigres indices, un garçon de vingt ans, Tobias Sartorius, avait été condamné à dix ans de réclusion, mais il vient de sortir de prison. Alors que les enquêteurs se heurtent à un mur de silence, une autre jeune fille disparaît et on accuse à nouveau Tobias. Les preuves manquent, la police piétine et certains habitants semblent bien décidés à prendre les choses en main. Dans ce deuxième roman du duo Kirchhoff-von Bodenstein, Nele Neuhaus construit une intrigue millimétrée autour des non-dits et de l’atmosphère étouffante d’un village où tous croient se connaître et s’épient. Elle démonte magistralement les mécanismes d’une erreur judiciaire et analyse le fonctionnement des machines à broyer les individus que sont parfois la justice et les préjugés.

Quand on y réfléchit, Blanche-Neige doit mourir, c’est un peu le Broadchurch allemand (je sors du visionnage de la seconde saison, donc je suis sous influence! 😉 ), car ce n’est pas tant l’enquête policière, mais les êtres qui sont au coeur de l’intrigue… Ainsi, dès la première page, il est évident que Tobias n’a pas tué les deux jeunes filles disparues dix ans plus tôt, mais la machine judiciaire l’a malgré tout condamné… froidement et sans réelle preuve… Les représentants de cette justice loin d’être infaillible, ont eux aussi leurs problems ; Nele Neuhaus nous offre des portraits de flics finalement loin du cliché des séries télévisées et proche de la routine connue de tous : Divorce, tromperie, problèmes administratifs qui font qu’ils ne sont pas infaillibles malgré toute la bonne (ou mauvaise) volonté du monde.

Cependant, ce roman est loin du « soap », et si les trajectoires humaines sont bien présentes, elles offrent un fond solide à une intrigue policière maitrisées qui fait du roman un « page-turner ». Jusqu’à la dernière page, j’ai été tenue en haleine, les rebondissements étant nombreux et intelligents, les personnages, flics comme le suspect numéro 1 ou la jeune disparue, attachants malgré leurs faiblesses et aveuglements, ou peut-être à cause d’eux. 

Un roman que je recommande

Le bouchon de cristal (1912)

signe-arsene-lupin-affiche_89050_10250Arsène Lupin effectue le cambriolage de la villa du député Daubrecq, préparé par deux de ses hommes, Gilbert et Vaucheray. Mais les choses tournent mal, le domestique est tué par Vaucheray. Gilbert et Vaucheray sont pris, jugés et condamnés tous les deux à l’échafaud.Pour Lupin, une chose est sûre, l’innocent, le jeune Gilbert, doit être sauvé. Une affaire simple qui se complique à cause d’un bouchon de carafe en cristal qui contiendrait de terrible secret…

L’introduction de cette aventure a été reprise dans le film d’Yves Robert, Signé Arsène Lupin (1959), mais le roman et le film se sépare rapidement. Lupin, patron de bande, bon patron, doit récupérer son « petit Gilbert », et il a des difficultés, d’autant plus que personne ne l’aide, pas même ceux qui le devraient… Face à lui, l’affreux député Daubrecq… Amusant comme souvent les ennemis de Lupin avait des fonctions importantes… Député, boursier… Lupin n’est pas Robin des bois, je l’ai dit et répété, mais il a du moins les mêmes victimes. Cependant Daubrecq n’a rien d’une victime… et à l’image du Charles Augustus Milverton de Monsieur Conan Doyle, c’est un vil maître-chanteur, un assassin, un monstre…

Dans ce roman, Lupin manque plus d’une fois de perdre la partie, voire la vie. L’élément le plus intéressant est pour moi sa relation à Gilbert. Certes, le jeune homme est un peu le fils que Lupin a perdu, mais il est aussi une image du gentleman plus jeune : perdu entre deux mondes, tenté par ce qu’il croit être la facilité (attention, n’est pas gentleman-cambrioleur qui veut!), plein de colère mais aussi plein d’idéal… 

Couvertures du Bouchon de Cristal :

Leblanc - Le boucon de cristal - couv Fontan

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Amours et Enfants d’Arsène Lupin

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Reprise d’une liste que j’avais préparé pour un site décédé depuis (RIP)… C’est un peu encyclopédique, mais j’espère que ces informations vous intéresseront!

Je développerai certainement dans le futur des articles sur l’un ou l’autre de ces personnages. N’hésitez pas à faire des suggestions 😀 .

[(r) pour roman et (n) pour nouvelle et (t) pour théâtre]

Arsène Lupin n’est pas seul, même s’il est parfois solitaire!

  • Arsène Lupin et les femmes

Attention, elles sont légions, mais certaines n’ont été que des flirts, parfois même platonique! les noms les plus importants sont indiqués en couleur.

Clarisse d’Etigues qu’il épouse dans La Comtesse de Cagliostro.(r) et avec qui il aura un fils, Jean.

Joséphine Balsamo, dite comtesse de Cagliostro.

Arsène en tombe amoureux …

« Fille de Cagliostro, je vous connais. Bas les masques ! Napoléon Ier vous tutoyait… Vous avez trahi Napoléon III, servi Bismarck, suicidé le brave général Boulanger ! Vous prenez des bains dans la fontaine de Jouvence. vous avez cent ans… et je vous aime. »
Déclaration de Lupin à Joséphine (La comtesse de Cagliostro, p.45)

Viennent ensuite des amours plus ou moins de passage : Nelly underdown (n), Yvonne d’Origny (n), Gabrielle (n), Sonia Krichnoff (t) (n), Angélique de Sarzeau-Vendôme (n)  qu’il épouse, Clarisse Mergy (r), Clotilde Destange (r)…

Raymonde de Saint-Véran qu’il épouse dans L’Aiguille creuse (r).

Aurélie d’Asteux (r), Hortense Daniel (n, tout un recueil).

Dolorès Kesselbach, personnage centrale dans 813 (r).

Florence Levasseur qu’il épouse sous l’identité de Don Luis Perenna dans Les Dents du tigre (r).

Olga Vaubant, mesdemoiselles Haveline et Legoffier (n) : Il séduit les trois le temps de la même nouvelle… Coquin!
Régine Aubry (r), Arlette Mazolle (r), Catherine Montessieux (r), Bertrande Guercin (r), Clara la Blonde (r), Antonine Gautier (r), Faustine Cortina (r), Patricia Jonston (r),  Marie-Thérèse Angelmann (r).

et une ou deux têtes couronnées…  Sa majesté la reine Olga de Borostyrie (r), La Princesse Alexandra Basileïf (r).

Il n’y a pas de raison pour qu’Arsène devienne sage sous la plume des autres, ainsi, chez Boileau-Narcejac, le temps de cinq nouvelles aventures, il séduit :

Incarnacion de capedé (n)  qu’il épouse, Lucille Ferranges, La comtesse Cécile de Mareuse, Simone de Mareuse, Madelaine Férelle, Béatrice Mendaille, Hélène Vaucelle.

Les enfants d’Arsène Lupin 

Du moins, voici les trois descendants du gentleman que l’on connait, même si certains doutes planent…

Jeanfils de clarisse d’Etigues, enlevé bébé par la Cagliostro, pourrait-être Félicien Charles (la Cagliostro se venge)

Geneviève, dans 813 : mère non identifiée 

L’héritier du trône de Borostyrie

Les Amis d’Arsène Lupin

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Le gentleman-cambrioleur est plutôt un solitaire. ceci est une question de pouvoir : être en marge, être libre de toute influence, c’est être seul.

Pirate des temps moderne, Lupin est plutôt entouré d’hommes-outils, qui servent ses buts, mais sans recevoir ses confidences.

Il y a malgré tout quelques exceptions.

Maurice Leblanc, bien sûr, le biographe du gentleman.

L’auteur s’est si bien mis en scène dans « Le sept de coeur » entre autres, que souvent encore, les lecteurs se demandent si Arsène Lupin n’est pas un personnage historique, plutôt qu’un personnage de fiction!

Le capitaine Patrice Belval

Mutilé de guerre, héros de l’aventure du Triangle d’or, homme d’action qui pourrait être comparé à Lupin lui-même.

On retrouve ce personnage dans L’Île aux trente cercueils.

C’est une grande exception : les personnages que l’on croise dans les aventures de Lupin, excepté Leblanc ( ! ) et les policiers, figures de l’ordre, ne reviennent jamais !

M. Tout-Va-Bien

Figure très importante de L’Île aux trente cercueils, Tout-Va-Bien est un chien.
Un cabot comme Lupin ne peut qu’être proche de cette figure positive, adjuvant puissant pour l’héroïne du roman, Véronique d’Hergemont.

Le brigadier Théodore Béchoux

S’il est d’abord une victime de Lupin, il semble bien que, dans la dernière aventure qu’ils partagent, La Barre-y-va, il soit devenu un ami (toujours souffre-douleur) pour le gentleman. Il y a un réel respect entre eux.

et enfin Le personnage non identifié de la nouvelle Le coffre-fort de Mme Imbert

Dans les oeuvre apocryphes :
Bruno dans le secret d’Eunerville du duo Boileau-Narcejac.

 Là encore, comme pour Amours et Enfants d’Arsène Lupin, je pense développer plus tard le cas de certains de ces personnages. 

Maurice Leblanc et Arsène Lupin… le syndrome Watson ?

Le problème dans la relation entre créateur et créature est très présent dans le cycle d’Arsène Lupin.

Si beaucoup d’auteurs se sont vus éclipsés par leur création, Leblanc est un cas à part : il s’incarne dans les aventures de son héros en tant que biographe et ami. Lupin, pourtant, fut selon sa propre expression, son « poignard d’Ingres »…

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Arthur Conan Doyle & Maurice Leblanc

Maurice Leblanc n’est pas seulement l’auteur dans les aventures du gentleman-cambrioleur, il est personnage. Dès la première nouvelle, il reprend la plume à Lupin pour conclure l’aventure : « C’était ainsi qu’un soir d’hiver, Arsène Lupin me raconta l’histoire de son arrestation. » (l’Arrestation d’Arsène Lupin) Première erreur, d’une certaine façon, puisque par cette simple phrase, il libère le turbulent cambrioleur, sous-entend l’évasion, et d’autres aventures : « Le hasard d’incidents dont j’écrirai quelque jour le récit avait noué entre nous des liens… dirais-je d’amitié ? Oui, j’ose croire qu’Arsène Lupin m’honore de quelque amitié ».(idem) Par cette simple déclaration, c’en est fait de Leblanc : Il sera le docteur Watson d’Arsène Lupin, son « porte-plume » (Francis Lacassin).

Leblanc apparaît, dans bon nombre d’aventures de son héros : il assiste à la rencontre entre Isidore Beautrelet et un Arsène Lupin revenu d’entre les morts, il accompagne Arsène dans les trois premières nouvelles des Confidences, il déjeune avec le gentleman quand celui-ci aperçoit Sholmès qui entre dans le restaurant… L’auteur devient personnage, témoin des prouesses de sa créature, y participant parfois. Il est lié aux romans au point de permettre à Lupin d’écrire une préface à l’une de ses propres aventures : « Je voudrais marquer ici que, tout en appréciant comme il convient, et en certifiant comme conformes à l’exactitude les aventures qui me sont attribuées par mon historiographe attitré, j’apporte néanmoins certaines réserves sur la façon dont il présente ses livres. » (La Cagliostro se venge)

Leblanc et Jean Daspry : Leblanc personnage de roman (Attention, spoilers!)

´;ion Í8ÐØ4ionLeblanc est à la fois auteur et acteur des aventures d’Arsène Lupin. La promesse qu’il fait à la fin de la première nouvelle, nous raconter la genèse de son amitié avec le gentleman, est tenue dans la nouvelle « Le sept de coeur »(Les Confidences d’Arsène Lupin) : « Une question se pose et elle me fut souvent posée : « Comment ai-je connu Arsène Lupin ? […] C’est par hasard que j’ai été mêlé à une de ses plus étranges et de ses plus mystérieuses aventures, par hasard enfin que je fus acteur dans un drame dont il fut le merveilleux metteur en scène ».

Leblanc donne les rênes de l’aventure à Lupin où plutôt à Jean Daspry, car cet ami de l’auteur prend bien vite possession de l’aventure. Apparement point de Lupin dans cette nouvelle. Nous assistons à l’enquête que mènent de concert Leblanc et Daspry sur un mystère qui touche le journaliste, ou tout au moins, la maison qu’il loue. Dès le début, Daspry prend le pas. C’est lui qui découvre un rapport entre le drame et un sous-marin allemand, lui qui interroge, lui qui trouve le corps de l’ingénieur… Bref, à chaque moment important de l’histoire, il est là, actif. Quant à Leblanc, s’il l’accompagne, il tombe malade juste au moment où son ami désire explorer la maison. enfin, acte d’importance, l’écrivain l’invite à assister à l’affrontement final provoqué par le mystérieux personnage qui domine toute l’affaire, mystérieux personnage qui n’est autre qu’Arsène Lupin alias Jean Daspry !

Dans toute la nouvelle, Leblanc s’incarne réellement en alter ego, non de Lupin, mais de Watson. Manipulé de bout en bout de l’aventure, il acquière cependant le droit de la connaître dans son entier: « Mon Dieu ! comme cette affaire vous intéresse !

– Elle me passionne.

– Eh bien ! tout à l’heure, quand j’aurai reconduit madame Andermatt et fait porter à l’Echo de France le mot que je vais écrire, je reviendrai et nous entreront dans le détail. »

Leblanc, personnage de roman.

Leblanc ouvre la voie à un grand nombre d’interférences entre créateur et créature. Souvent, lorsqu’il fait partie de l’aventure, il invite le lecteur dans son cabinet de travail, endroit où on découvre Lupin, bavardant avec son ami et biographe : « Lupin, racontez-moi donc quelque chose.

– Eh ! que voulez-vous que je vous raconte ? On connaît toute ma vie ! me répondit Lupin qui somnolait sur le divan de mon cabinet de travail. » (« les jeux du soleil », Confidences »)

Un tel degré de complicité et d’intimité fait entrer l’auteur dans sa création de manière indéfectible. Le « je » devient personnage. Leblanc est un confident pour Lupin qui prend un grand plaisir à se mettre en scène. Pourquoi aurait-il convoqué Beautrelet chez Leblanc, sinon ?

Et pour les lecteurs, Leblanc est plus un personnage qu’un auteur, c’est de sa faute : Si « la rencontre entre le créateur et sa créature, ne s’était produite qu’une seule fois, passe encore. Mais Leblanc a répété à deux ou trois reprises le processus et ce, dès le premier tome des aventures d’Arsène Lupin, gentleman cambrioleur. Après cela, comment en vouloir aux lecteurs ? Voyez Dieu : s’abaisse-t-il en permanence à venir discuter le coup avec ses propres créatures ? » (Robert Deleuze, Les Maîtres du roman policier)

Victime de sa créature ?

12« C’est lui qui s’assied à cette table quand j’écris. Je lui obéis… Il n’est pas mon ombre. Je suis son ombre », déclarait Maurice Leblanc. Aux vues de ses paroles, on a vraiment l’impression que Lupin est pour l’auteur son Mr Hyde.

Il faut cependant tempérer cette légende tenace. certes, Leblanc rêvait d’égaler Flaubert et Maupassant, certes, il aurait souhaité pour ses romans psychologiques un plus grand retentissement, mais les années passées à écrire les aventures de son héros fétiche ont changé ces sentiments. Plus âgé, c’est un Maurice Leblanc apaisé qui déclare : « je ne regrette plus mes romans psychologiques. La valeur ne tient pas au genre littéraire que l’on traite, mais à la façon dont on le traite. Mais j’ai mis beaucoup de temps à me contenter d’être le père d’Arsène Lupin. Maintenant j’en juge tout autrement. » (Une heure avec Maurice Leblanc, Père d’Arsène Lupin – Les Nouvelles littéraires, 6 juillet 1935, propos recueillis par Frédéric Lefèvre).

Après tout, car, quoi qu’on en dise le succès de Lupin, c’est celui de Leblanc…