Grâce à une certaine chaîne d’une couleur entre le jaune et le rouge (…), j’ai pu voir trois films de ce réalisateur dont le nom est associé au film policier du XXème siècle en quelques jours, on le surnomme même le Hitchcock français, c’est dire! Ce ne sera pas une analyse détaillée des méthodes du maîtres, mais quelques réflexions sur ces films qui marquent la naissance du cinéma policier (le roman du même nom n’ayant pointé son nez qu’un siècle plus tôt, et encore, il a balbutié un moment), car le cinéma étant à peine cinquantenaire, il y a un recul à avoir sur ces films.
La première réaction que j’aurai c’est qu’ils n’ont pas tant vieilli que cela. Il faut dire que Steeman (pour L’Assassin) ou le duo Boileau-Narcejac (Les Diaboliques), savaient trousser un roman policier comme personne ! On peut parier qu’on les lira encore dans longtemps. Pourtant, des trois films, c’est Le Corbeau que j’ai préféré.
L’Assassin habite au 21 (1942)
Résumé : « Un mystérieux assassin terrorise Paris en commettant des crimes en série. Il signe ses forfaits d’une carte de visite au nom de « Monsieur Durand ». Le commissaire Wens est chargé de l’enquête. Ses investigations le conduisent rapidement dans une pension de famille où se cache le coupable. Qui, parmi les locataires, est le sinistre Monsieur Durand ? »
C’est une déception ! Fanatique du roman, j’avoue que cette adaptation ne m’a pas satisfaite… Je trouve plus de force et d’intelligence à l’aventure sur papier et j’avoue que la « poule » du commissaire Wens m’a particulièrement tapée sur le système. Et oui, les chanteuses à voix me vrillent les tympans, de même que ces accents de poissonnières (je m’excuse auprès des modernes vendeuses de produits de la mer), ou peut-être de parisiennes (à nouveau, mes excuses) ? enfin, pour être politiquement correcte, je devrais dire cette voix de crécelle, agressive, haut perchée et particulièrement bruyante (n’a pas l’élégance de Katherine Hepburn qui veut… Atmosphère !?!). Bref, le personnage n’est pas dans le roman, et l’aventure n’y a pas gagné ! De même que M. Durand est en fait Mrs. Smith et que Wens, le détective si célèbre de Steeman n’apparaît pas dans ce roman qui se déroule à Londres et pas à Paris !
Reste le procédé de Steeman, si brillant, et que je ne vous dévoilerai pas et un film qui se laisse voir (en coupant le son pour les parties chantées ! oui, je sais, je suis terrible !)
La scène du meurtre au début est intéressante, cette caméra qui avance sur la victime en lieu et place du meurtrier… Il y a déjà du psychose là-dedans, près de 20 ans avant !
Résumé : « Christina mène une existence malheureuse auprès de son mari, le tyrannique Michel Delasalle, directeur du pensionnat pour garçons dont elle est propriétaire. Elle sait qu’une des institutrices, Nicole Horner, est sa maîtresse, mais cela n’a pas empêché les deux femmes de se rapprocher l’une de l’autre. Christina voit en effet en Nicole une compagne d’infortune, partageant avec elle sa haine envers Michel. Lorsque Nicole demande à Christina de l’aider à tuer Michel, celle-ci accepte. »
C’est malin, mais c’est long. J’avoue que les atermoiements de Nicole et Christina ont duré au moins une demi-heure de trop pour moi, et qu’à mi-film, j’avais déjà lancé le fameux « bon sang, mais c’est bien sûr ! » du commissaire Bourrell ! L’abus de film policier amène à connaître les ficelles du genre… Je me demande d’ailleurs si Ira Levin connaissait ce film avant d’écrire sa pièce Deathtrap, car il y a une ressemblance fragrante dans l’intrigue…
résumé : « Le docteur Rémi Germain reçoit une lettre anonyme signée Le corbeau, l’accusant de pratiquer des avortements. bientôt, tous Les notables de la petite ville de province où le docteur s’est installé depuis peu, commencent aussi à être victime du mystérieux personnage. Les relations déjà difficiles du docteur et de ses confrères empirent, de même que l’atmosphère de la ville. Les choses empirent encore lorsque l’un des patients du docteur Germain se suicide, une lettre lui ayant révélé qu’il ne survivrait pas à sa maladie. Le docteur Germain décide alors d’enquêter pour découvrir l’identité du mystérieux corbeau. »
Ce film, réalisé pendant l’occupation, a connu une destinée complexe, la délation du corbeau rappelant un peu trop celle des collabos… d’où, interdiction ! Pourtant, je crois que ce film est un fidèle miroir de la nature humaine, prête à croire aux médisances les plus saugrenues, et prête à attaquer, en meute, comme les chacals ! Ce n’est pas un joli miroir, mais c’est très juste. Et pour ce film, il n’y a pas d’enquêteur, si ce n’est la victime, donc c’est au spectateur de chercher : qui ? et surtout pourquoi ?
Donc, trois films très différents, mais aux scénarios solides et maîtrisés, bien que je conseillerai plutôt de lire L’Assassin habite au 21. Quant au Corbeau, c’est un chef d’oeuvre du genre qui évite les écueils du roman-feuilleton (et film serial) pas bien loin encore dans le temps.