The Rocky Horror Picture Show

Tout d’abord : ELOIGNEZ LES ENFANTS et ÂMES SENSIBLES S’ABSTENIR !

Vous êtes prévenus !

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Le Rocky Horror Picture Show est un B-Movie devenu culte… Voyez-vous, qui aurait cru qu’on pouvait mêler le mythe de Frankenstein, la comédie musicale, les grands tabous de la société (meurtre, inceste, cannibalisme, pour ceux qui ont besoin de précisions) et faire un film drôle, enlevé, qui près de 40 ans après sa sortie (1975) fait encore se déplacer les masses pour des séances Sing-a-long ? Personne n’y aurait cru, n’est-ce pas ? et pourtant ! Je ne vous parle même pas de la comédie musicale !

J’ai découvert le Rocky Horror à l’occasion d’une soirée sur la transsexualité sur Arte il y a environ 15 ans (et encore un coup de vieux!). Tout ce que j’ai vu en consultant le programme TV, c’est un film avec Tim Curry, une comédie musicale qui avait l’air totalement délirante… le reste m’est passé au dessus de la tête, c’est ce film ovni qui m’intéressait : J’ai adoré… Honnêtement, le Rocky Horror est un ovni, une chose complètement folle, tellement osé et en même temps tellement brillante !

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Brad (Barry Bostwick) et Janet (Susan Sarandon) au moment de la demande.

En quelques mots… Brad et Janet, deux étudiants bien sous tout rapport (et bien coincé aussi !) assistent au mariage de deux de leurs amis. Brad fait sa demande après la cérémonie, et ils décident d’aller annoncer la bonne nouvelle à leur mentor, le professeur Everett-Scott (ils se sont rencontrés dans sa classe). Sur la route, Brad prend un raccourci (les hommes et les raccourcis !) et crève… Ils ont aperçu un château sur le chemin, ils vont donc demander de l’aide et tombe au milieu d’une bien étrange fête. L’hôte, Frank N. Furter, célèbre sa future création : un être humain baptisé Rocky, et très joli garçon …

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Rocky ( Peter Hinwood, qui n’a que 3 films et un épisode de série TV à son actif), l’homme idéal créé par le savant fou.

Rocky ne ressemble pas à la créature du Dr Frankenstein (qui ne portait ni bas résille, ni gants mappa dans son laboratoire, je pense…), il a quelque chose de Flash Gordon, le cerveau en moins… Brad et Janet se retrouvent pris au piège dans une maison très « libérée » face à un savant fou qui se place du côté de la concupiscence et non des avancées pour l’humanité. Le tout en chanson ! Comment ne pas aimer ce film ?

Les acteurs sont à cette époque plus ou moins novices, mais vous les connaissez : Susan Sarandon, Tim Curry (depuis, le clown de Ca, le diable de Legend… j’adore le détester 😉 ), Meat Loaf (qui a toujours ajouté le cinéma à la musique), Barry Bostwick (le maire de Spin city, entre autres)… Réalisé par Jim Sharman (dont c’est la pièce maîtresse cinématographique), le film a été écrit par celui-ci et Richard O’Brien qui tient le rôle de Riff-Raff (il est l’auteur de la pièce). 

Donc, un film fait avec les moyens du bord, et qui ne connut pas un succès immédiat, mais qui est maintenant un monument du cinéma. J’espère avoir l’occasion d’aller voir la pièce un jour (pour les bas résille et le body, je ne suis pas encore sûre, par contre … car oui, les fans y vont costumés ! comme pour La Mélodie du bonheur 😉 ).

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Columbia (Nell Campbell), Magenta (Patricia Quinn) le Dr. Frank (Tim Curry) et Riff-Raff (Richard O’Brien)… et les problèmes de Brad et Janet commencent !

Lectures de Septembre – 1ère partie !

mrs robinson's disgraceMrs Robinson’s disgrace (vo) de Kate Summerscale

J’ai lu ce livre dans le cadre d’un défi « bookclub » (3 mois d’été, 3 livres), et j’avoue que je me suis beaucoup ennuyée ! En effet, la disgrâce de Mrs Robinson raconte l’histoire d’un des premiers divorces à l’époque victorienne en s’appuyant (et en citant) les journaux intimes des acteurs de ce « drame » devenu quelque chose de presque banal à notre époque… Ce livre (qui n’est pas un roman), a une valeur historique, car il fourmille d’information sur l’époque, mais le fait que l’auteur n’a pas romancé l’histoire et énumère les faits plutôt qu’elle ne les raconte, rend la lecture hermétique : on ne s’attache pas à Isabella Robinson, même si elle est vraiment une victime !

En effet, son mari la trompe allègrement, capte sa fortune, la délaisse, mais dans le procès, tout cela n’a pas d’importance ! C’est elle qui a fauté ! C’est elle qu’on juge ! et elle doit plaider la nymphomanie pour protéger son amant (qui ne prend pas ses responsabilités non plus). On voit que la femme n’était qu’un bien matériel à l’époque victorienne, un moyen de transmettre une fortune, voire un nom (et oui, on pouvait reprendre le nom de sa femme, pardon, de son beau-père, histoire d’avoir l’argent et le prestige !)

Si je ne me suis pas attaché à Isabella, j’avoue avoir été révolté par le traitement réservé aux femmes (même si je savais déjà ! lire le récit de ce procès m’a révolté)… Et si les choses ont évolué (pas assez), on découvre aussi que le voyeurisme n’est pas un fait de notre époque ! et oui, le procès était couvert par la presse, et les journaux reproduisirent avec entrain des pages entières des journaux intimes de la pauvre femme.

C’est un livre à lire quand on s’intéresse à l’évolution de la condition de la femme – je le recommanderai chaudement aux chercheurs (chercheuses ?) en la matière, mais pas un livre facile à lire, surtout du fait de son écriture hermétique qui énumère les faits et cite abondamment lettres et journaux intimes et publics de l’époque

Frankenstein

nick dearAdaptation théâtrale de Nick Dear  (vo) Vous allez me dire que je suis obsessionnelle (un peu, j’admets), mais quand j’ai découvert que le texte de la pièce mise en scène par Dany Boyle avait été édité, il a fallu que je le lise !

On voit tout le travail pour réellement donner la parole à la créature (dans le livre, il y a des couches de narrateurs – comme pour les oignons – et je remercie Dear d’avoir supprimé cela… C’est une des raisons qui font que je n’aime pas le roman !) On voit aussi, quand on a eu la chance de voir la version filmée de la pièce, le travail de Mise en scène. Comment créer la ville qui effraie la créature ou la mer de glace où « bavarde » Frankenstein et l’être qu’il a créé. J’ai retrouvé le texte avec plaisir, qui suit parfaitement la trame du roman de Mary Shelley tout en donnant la parole au vrai héros de l’aventure, la créature sans nom qui apprend à être humaine… c’est à dire être un monstre.

Si vous voulez en savoir plus sur la pièce, je vous renvoie vers mon article, Frankenstein au National Theatre, mais j’avais besoin de tirer mon chapeau une seconde fois à Nick Dear, parce que le talent des acteurs, du metteur en scène, et de tous les membres d’une troupe théâtrale est une chose, mais sans un bon texte, ils sont bien désoeuvrés! 😉

la chartreuse de parmeLa Chartreuse de Parme de Stendhal

J’avais aimé Le Rouge et le Noir, mais j’avoue que la Chartreuse me laisse de marbre. Trop de politique, trop de manipulation, et un héros qui ne me charme pas (alors que Fabrice Del Dongo est censé charmé toute la gente féminine sans exception…) Certes, Stendhal sait écrire, et il sait dénoncer une société viciée par les passe-droits, les manipulations, l’argent, le prestige, mais je n’ai pas eu le déclic pour cette histoire. Et j’avoue que les relations entre Fabrice et sa tante pâtisse à mes yeux du tour que leur fait prendre Stendhal… De même que la tante, tellement fine politique, n’ai pas non plus « aimable »… En contraste, Fabrice est d’abord bien trop innocent ! Et la fin, que je ne vous dévoilerai pas, s’inscrit trop dans le courant romantique pour mon goût (l’effet domino – ceux qui ont lu le roman me comprendront). J’ai la sombre impression que je ne retournerai pas vers Stendhal de sitôt !

résumé : En 1838, emporté par sa passion pour l’Italie, sa patrie de cœur, terre de liberté et d’héroïsme, Stendhal dicte La Chartreuse de Parme en cinquante-deux jours. Ivre de gloire napoléonienne, Fabrice Del Dongo est le petit prince et le grand seigneur adoré des femmes de la minuscule cour de Parme. Faute d’exploits militaires, il devient un curieux théologien comblé de maîtresses. Ayant part aux intrigues qui l’entourent et d’un naturel fougueux, il est jeté en prison malgré la protection de sa tante, la sublime duchesse de Sanseverina. Captivité bénie puisqu’à l’intérieur de la forteresse vit l’amoureuse et brûlante Clélia Cont, fille du gouverneur…

Frankenstein at the National Theatre

Directed by Dany Boyle (Review written in October 2012)

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Mr. Cumberbatch as the Creature 

So, yesterday evening, I went to a cinema more than an hour from my place to see the film version of the theatre play « Frankenstein » with Mr. Cumberbatch as the Creature.

First, I have to admit, I don’t like Frankenstein. Well, I don’t like the book. I think there is too much description, and the constant snivelling of the doctor who try to justify himself get on my nerves. I like the idea of the book, man against God, the scientific creation and its risks… And, I tought as a play, it could be interesting more visual, and with talented actors…

What can I say? It was just perfect. scenery

Danny Boyle and his writer, Nick Dear, wanted to adopt the point of view of the creature, and It a bloody good idea!

And seeing it more than reading it, it’s really different… Yes, IT’S ALIVE !

So, now, the performance in itself.

Be careful, it may be spoiliers in the following lines…

The « womb » from which the creature appears is a really good idea, the few minutes of fighting between the newborn and its new life is breathtaking. It seems like a real birth, difficult, or a fight for life, Mr. C’s performance is amazing, from these first minutes to the end. the way he moves, the way the creature evolve from this muet wild thing who crawls on the floor to a educated, agile, intelligent human being capable of feelings, good and bad… Because, the interresting thing is that Frankenstein creates a human being. As the creature says, itwas made for love, just wait to be loved and it receives only hate, so it became a hater, a liar, a murderer… like humans beings (don’t scream, it’s a general talk, but unlike the French philosopher J.J Rousseau, I don’t believe in the myth of the good wild man…)

in the play, which isn’t narrated by Frankenstein, or the creature (or the sailor from the book who just dissapears; good idea! he’s not needed in the plot!) we could see the reality of the character. the pride of Frankenstein who want to be God (stronger than god) and works for his pride and own glory, no just for science! We could empathize with the creature, rejected, hated and so human – in a good way this time! – because it just wants to be love, he just wants to be warm, to have enough food, to not be alone and lonely. Even after Elisabeth’s murder (and rape… I wasn’t happy with this addition, but I could understand it, and the self-hatred of the creature just after), you empathize with him, because Frankenstein was the sinner! He created life and abandonned it the second after! He just offered one lesson to his creation: rejection…

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But I even have some pity for Frankenstein at the end (I think because of the play, and the acting of Jonny Lee Miller), he neither doesn’t know really what love is, he is so a cold scientic mind, he was in a way abandonned too in his dreams of greatness and could see the happiness was just, well, Elisabeth! I dream he could have accomplished great things with his knowledge if he wasn’t that childhish. and he could have accomplish great things with his creature… All this reflexions come from the way they have organized and play the story.

As for the play itself.. A lot of good actors, but, Mr. Cumberbatch is perfect. He has the best part ! Jonny Lee Miller is great too as the doctor, but I feel is acting a little aggressive, again, I wait for the other version… His Frankenstein is really cold, but so interresting, less childish than in the novel.

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The scenery is purely amazing! Not many things on stage, but the sky… such a good idea! and I love the simple stage set, who permits to concentrated on the acting, but which keep the illusion (the house of Frankenstein’s father, and the fisherman cottage for exemple). I love the empty hole they use to symbolised the mountains where Victor and the Creature had their first meeting.

Showing the creature’s bride is too a good idea, it’s much crueller when Frankenstein distroys her, like a murder, and it’s an announcement of Elisabeth’s murder. A little bit like if Frankenstein is also his own creature (I don’t know if you follow me on this… he is another monster he has created)

The chat between the creature and Elisabeth is moving (nothing like this in the novel), all the more because he’s about to kill her, and she is the only one (except the blind all man – but there were the blindness) to accept him. But it was too late… And even if « Frankenstein » is a tragedy, there is some fun parts, who lighted the tension, some very good lines and fun.

Mr Miller as the creature :

JLM as creatureWe have lost something… The spell of the first time! So, this will be more about the 2 different performances of the actors than about the play itself.

It was still a bliss! All the cast is amazing and I love the scenography (I love the sky! all this bulbs… such a inspired idea). The switching of the parts is obvious from the first minute. JLM has choosen to be a more childish monster. It’s a kid who emerges from the womb. For BC it is longer and more difficult, it is a fight with a anormal life which appears. I much more prefer this first version as it sticks with my idea of the « creation » of the monster and as it prefigures what will be the life of the monster. Then, I think the approach of Cumberbatch is stronger, because the monster is not a newborn, but a victim of an experiment, so his way of moving at the begining (which remains to the end, but in a more discreet way), like AVC or accidents victims is a very good choice.

A scene is important for me concerning this difference of approach, it’s when Elisabeth and the creature sit on the bed. BC continues to move his hands and legs with a small shaking, but JLM has his hands still on his legs. I feel as there is an evolution on the way of speaking of Cumberbatch’s creature more important than Miller’s. f

I don’t want to critize Miller, because he’s great. His creature is more childish at the beginning, and more angry after, and maybe if I had seen his version first I would be less critic. But, I prefer Benedict Cumberbatch’s creature. And, yes, I prefer his doctor, nearly for the same reason. Miller’s doctor was really angry, Cumberbatch has moments of anger, but gentle moments too. 929

I really love the final scene of the second version, as BC is gentler than Miller. Yes, it’s really my point, not that the creature (or Victor) is not authorized to be angry. It has all the reason in the world to be, but I prefer a more subtil approach. I feel that BC’s performance as the creature is exceptionnal.

For the fun, I have a bliss moment when Elisabeth says to Victor « People are dull », and Mr. Cumberbatch can’t hold a smile (he has hidden it very quicky). Naomi Harris’s face was on screen at the moment, but the short pause before the words, and the smile… I’m sure she did it on purpose, and It a brilliant exemple of how theatre people could be playful even with a camera is around.

To conclude, I prefer the first version, but the second as the same quality. Brilliants actors, smart writing,amazing scenery. I think Nick Dear and Danny Boyle have really found the essence of the novel.

En Français : ICI

Frankenstein au National Theatre

Mise en scène de Danny Boyle (Chronique écrite en octobre 2012)

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Donc, hier soir, je me suis rendue dans un cinéma se trouvant à plus d’une heure de route de chez moi pour voir la version filmée d’une pièce de théâtre, Frankenstein, adaptée du roman de Mary Shelley par Nick Dear, sous la direction de Danny Boyle. D’abord, je dois avouer une chose : je n’aime pas Frankenstein. Enfin, je n’aime pas le livre. Je pense qu’il est bien trop descriptif (quant aux paysages !), bien trop bavard, et les pleurnicheries constantes du bon docteur Victor Frankenstein (qui tente de justifier ses actes autant face à lui-même que face à celui à qui il raconte son histoire) me portent sur les nerfs. Mais j’aime l’idée du livre, l’Homme contre Dieu, la création scientifique et ses risques… et j’ai supposée que, transposée au théâtre, ce serait plus intéressant, parce que plus visuel. Ajoutons à cela des acteurs de talent…

Que puis-je ajouter ? Ce fut parfait.scenery

Danny Boyle et le dramaturge, Nick Dear, avaient choisi d’adopter le point de vue de la créature, et cela, c’est une sacrée bonne idée !

Le voir plutôt que le lire (et croyez-moi, je suis un rat de bibliothèque incorrigible), ce fut vraiment différent.

Oui, c’était VIVANT !

Quant au jeu des acteurs… La « matrice » d’où la créature est sortie était une bonne idée, les quelques minutes de combat entre le nouveau né et cette nouvelle vie qui l’envahit sont à couper le souffle. Cela ressemble à une vraie naissance, une naissance difficile, ou plutôt un combat pour vivre. Le jeu de Mr. C est époustouflant, de ces premières minutes jusqu’au terme de la pièce. La façon dont il bouge, la façon dont il fait évoluer sa créature depuis une chose sauvage et muette rampant sur le sol jusqu’à un être humain, éduqué, agile, intelligent, capable de sentiments, bon et mauvais à la fois… Parce que, après tout, ce qui est intéressant dans cette histoire, c’est que Frankenstein a créé un être humain. Comme le dit le « monstre », il a été créé pour l’amour, attendant seulement d’être aimé, et il n’a reçu que haine. Ainsi, il est devenu haineux, menteur, meurtrier… comme les êtres humains (ne hurlez pas, chers lecteurs, je parle de l’Etre Humain en général, et à l’inverse de ce « bon » monsieur Rousseau, je ne crois pas dans le mythe du bon sauvage…).

Dans la pièce, ce n’est pas Frankenstein qui raconte, ou la créature (ou l’explorateur du livre qui disparaît purement et simplement : bonne idée ! il n’était vraiment pas nécessaire à l’intrigue !), on peut ainsi voir la réalité des personnages. On peut ainsi voir l’orgueil du docteur Frankenstein qui veut être Dieu (plus puissant que Dieu) et travaille pour cet orgueil et sa propre gloire plutôt que pour la science ! Et l’on peut sympathiser face à la créature, rejetée, haïe, et pourtant tellement humaine – dans le bon sens du terme, cette fois – parce qu’elle veut simplement être acceptée, être aimée, elle veut avoir chaud, avoir de quoi manger, ne pas être seule et solitaire. Même après l’assassinat d’Elizabeth (et son viol… je n’étais pas très heureuse de cet ajout, mais je peux le comprendre, et cela permet cette haine de soi que ressent la créature juste après). Même après cet assassinat, j’avais encore de la sympathie pour le « monstre », parce que c’est Frankenstein le fautif, le « pécheur » ! Il a créé une vie et l’a abandonné la seconde suivante ! Il lui a juste offert une leçon de vie : le rejet…

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Mais j’ai quand même ressenti de la pitié pour Frankenstein à la fin (je crois, grâce à l’écriture de la pièce et aussi au jeu de Jonny Lee Miller), car lui non plus ne sait pas vraiment ce que c’est que l’amour. Il est si froid, son esprit est tellement scientifique… D’une certaine manière, lui aussi est perdu dans ses rêves de grandeur scientifiques et il ne voit pas que le bonheur est simplement, Elizabeth ! Je rêve qu’il ait pu accomplir de grande chose grâce à son savoir, s’il n’avait pas été aussi infantile, et il aurait pu accomplir de grandes choses avec sa créature. Toutes ces réflexions viennent de la façon dont la pièce est organisée et jouée.

Pour la pièce elle-même… De très bons acteurs, et en tête, Mr. Cumberbatch qui est parfait. Et pour cause, il a le meilleur rôle ! Jonny Lee Miller est brillant dans le rôle du docteur, même si je trouve son jeu un peu agressif. Son Frankenstein est réellement froid, mais très intéressant et beaucoup moins infantile que celui du roman. La mise en scène et la scène elle-même sont inventives. La scène est dépouillée, si ce n’est de son ciel… Et quel ciel ! J’aime la simplicité de l’agencement du « lieu » qui permet de se concentrer sur le jeu, mais qui garde si bien l’illusion (la maison du père de Frankenstein, la cabane de pêcheur, par exemple, dépouillées, mais bien là, juste le nécessaire !). J’aime le vide, le gouffre, qui s’ouvre au centre de la scène pour symboliser la montagne où Victor et la créature se rencontrent pour la première fois.

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Nous montrer la fiancée du « monstre » est une bonne idée également ; cela rend plus cruelle encore sa destruction par Frankenstein, comme un meurtre, et aussi comme une annone, un miroir déformé du meurtre d’Elizabeth.  C’est un peu comme si Frankenstein était sa propre créature (je ne sais pas si vous me suivez… je veux dire qu’il est un autre monstre, qu’il s’est créé lui-même).

La discussion entre la créature et Elizabeth est émouvante (rien de tel dans le roman !), d’autant plus qu’il se prépare à la tuer alors qu’elle est la seul à l’accepter (excepté l’aveugle, mais il y avait justement cette cécité comme barrière). Mais il est trop tard…

Et bien que Frankenstein soit une tragédie, il y a aussi de l’humour dans la pièce, de bons mots qui allègent la tension dans la salle. 

Plusieurs mois après, je ressens encore la force de cette réécriture scénique de l’œuvre de Mary Shelley (une grande œuvre, je le reconnais, mais pas assez aboutie en tant que roman peut-être, et aussi à cause de la jeunesse de l’auteur – 19 ans !). Cette pièce a su trouver l’essence de ce qui a fait pendant près de deux siècles, en tirer la substantifique moelle ! Et j’espère avoir l’occasion de la revoir…

JLM as creatureQuant à la seconde version, où Jonny Lee Miller est la créature alors que Benedict Cumberbatch devient le docteur (soulignons au passage le talent des acteurs qui ont échangé les rôles chaque soir pendant des mois)… Eh bien j’avoue que j’y ai perdu quelque chose. L’enchantement de la première fois peut-être ? Je ne vais pas me répéter, mais tenter de pointer du doigt les différences entre les deux interprétations.

C’était encore un plaisir ! L’ensemble des acteurs est un groupe solide et brillant, et la scénographie m’a encore laissé rêveuse (ah… Ce ciel d’ampoules si poétique dans son prosaïsme… J’aime ce ciel ! Une idée tellement exceptionnelle !) L’échange des rôles est évident dès la première seconde. Jonny Lee Miller a choisi d’être un monstre plus enfantin. C’est un bébé qui sort de la « matrice ». Pour Benedict Cumberbatch, cela avait été plus long, plus difficile, c’était le combat d’une vie anormale luttant pour apparaître malgré tout. Je préfère de beaucoup cette première version, elle colle d’avantage à mon idée de la « création » du monstre et préfigure ce que va être son existence.

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De plus, je pense que l’approche de Cumberbatch est plus puissante, parce que le monstre n’est pas un nouveau né, mais la victime d’une expérience. Sa façon de bouger au début (qui demeurera jusqu’à la fin, mais de manière plus discrète), inspirée des victimes d’AVC et d’accidents graves est un très bon choix. (Je saluerai malgré tout la souplesse de monsieur Miller, capable de sucer son gros orteil, comme un nourrisson !) Une scène est très importante pour moi concernant cette différence d’approche du rôle, c’est celle où Elizabeth et la créature parlent, assis sur le lit. Benedict Cumberbatch continue alors à bouger ses mains et ses jambes avec de légers tressaillements et tremblements, mais Jonny Lee Miller garde ses mains immobiles sur ses genoux.  J’ai le sentiment également qu’il y a une évolution chez la créature de Cumberbatch bien plus présente que chez celle de Miller. Je ne cherche pas à déprécier la performance de Jonny Lee Miller, bien au contraire, il était brillant. Sa créature est plus enfantine au début, et plus en colère par la suite, et peut-être si j’avais vu cette version en premier, serais-je moins critique (ou pas…) ? Il n’en demeure pas moins que j’ai préféré la créature de Cumberbatch.929

Comme je préfère son docteur, presque pour les mêmes raisons. Le docteur joué par Miller est vraiment en colère, alors que chez Cumberbatch il y a des moments de colère, mais aussi des moments plus doux. J’ai préféré la scène finale de la seconde version, car Benedict Cumberbatch joue ce dernier affrontement avec plus de douceur que ne l’avait fait Jonny Lee Miller. C’est vraiment le nœud du problème, non pas que la créature (ou Victor) n’ait pas le droit d’être en colère. Elle a toutes les raisons du monde de l’être, mais je préfère une approche plus subtile. Je ressens la performance de M. Cumberbatch comme exceptionnelle, il EST la créature. Et au théâtre, beaucoup plus qu’au cinéma, on voit la qualité d’un acteur à sa capacité à comprendre son personnage et à se fondre en lui.

Pour le plaisir, je dirais que j’ai eu un moment de joie coupable quand Elizabeth déclare à Victor « People are dull », et que M. Cumberbatch n’a pu retenir une sourire qu’il a rapidement caché en se détournant une seconde. Le visage de Naomie Harris faisait face à la caméra, et la courte pause avant ces mots, ainsi que son sourire… Je suis certaine qu’elle l’a fait en toute conscience, et c’est un magnifique exemple de la complicité des « gens de théâtre » (pas seulement les acteurs, les techniciens aussi peuvent se montrer facétieux), même quand une caméra est en marche.

Donc, vous l’avez compris, j’ai préféré la première version, mais la seconde porte les mêmes qualités. De brillants acteurs (pas simplement messieurs Miller et Cumberbatch, mais tout le cast), une écriture brillante qui fait d’un bon roman (avec ses défauts) une œuvre visuelle exceptionnelle, et une scénographie sobre mais recherchée qui m’a séduite (ce ciel !) Je pense que réellement, Nick Dear et Danny Boyle ont su trouver l’essence de la nouvelle et la transcender.

Pétition pour revoir Frankenstein dans les cinéma français : Twitter

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