Passez une journée sur un salon du livre aux côtés de Gordon Zola est une expérience inoubliable. L’homme est à l’image de ses livres, drôle et jamais avare de bons mots. J’ai donc eu très envie de le lire, et mon voyage à Paris m’a permis d’aller le saluer rue Daguerre, dans l’antre du Léopard, et de me faire dédicacer quelques-uns de ses ouvrages, dont Le Père Denoël est-il une ordure ?
Avant Gordon Zola, je ne savais même pas que Robert Denoël avait été assassiné; l’éditeur n’était pour moi qu’un nom sur une couverture. J’étais donc très curieuse de ce roman, plus du point du vue historique, et je ne m’attendais pas à un tel plaisir de lecture indépendamment de ce roman-enquête sur la fin violente de l’éditeur le 2 décembre 1945. Car, Si Gordon Zola revendique un genre nommé le « poilar » (polar poilant), il a aussi la plume acérée comme un coup de griffe. Le livre est drôle, les jeux de mots sont légions, mais l’épuration est aussi montrée dans toute son horreur. L’auteur ne se voile pas la face et nous dévoile les vilains dessous de la libération ; résistant de la dernière heure (voire de celle d’après) et hypocrites en tout genre en prennent pour leur grade.
Présentation éditeur : L’éditeur de Louis-Ferdinand Céline assassiné dans des conditions aussi mystérieuses que rocambolesques ! Maître Lucien Bonplaisir, avocat de l’édition et directeur de l’association « SOS femmes tondues » se voit plonger dans les méandres d’une affaire terrible… dans laquelle les criminels courent encore (c’est une image) ! Un grand éditeur, fleuron des lettres françaises, tué, pillé, spolié, oublié…
Ne tombons pas en panne de décence ! CHERCHONS LA VÉRITÉ !
Il est important de souligner que près de 70 ans après les faits, la lumière n’a pas été faite sur ce crime, que les zones d’ombres s’apparentent à des tunnels et qu’il est bien possible qu’on ne sache jamais, quoique je pense que Gordon Zola n’est pas loin de la vérité (ce qui serait un comble pour une fiction… mais comme disait Oscar Wilde, « la vie imite l’art »… Donc…).
Quoiqu’il en soit, Gordon Zola secoue le cocotier de cette vilaine période que fut l’épuration, qui n’est pas à la gloire de la nation libérée, tout en divertissant son lecteur. Il réussit le difficile exercice de faire un portrait fidèle d’une période trouble, qui montre bien que la nature humaine n’est pas à l’image de ce que Monsieur Rousseau nous déclarait dans l’Emile (elle est loin d’être naturellement bonne, je pense plutôt que les « bons » sauvages sont toujours cannibales), tout en faisant rire. Il appuie là où ça fait mal, mais cela se fait avec légèreté, force jeux de mots ; un humour incisif.
En résumé, si vous savez déjà que le milieu de l’édition est une jungle et l’humanité un drôle de zoo, vous en aurez une nouvelle preuve. Si vous ne le saviez pas, venez le découvrir, ça ne vous empêchera pas de rire. Rire intelligent, c’est quand même mieux, non ?
« Au bal des hypocrites, l’affaire Denoël a fait danser beaucoup de monde »
Lucien Bonplaisir