Don Luis Perenna
Faillible mais déterminé, voici la meilleure définition qu’on puisse donner de don Luis Perenna, grand d’Espagne, et faisant partie des incarnations les plus célèbres du gentleman cambrioleur. Don Luis apparaît à la fin de 813, après le « suicide » d’Arsène Lupin. On le retrouvera par la suite dans Le Triangle d’or, L’Île aux trente cercueils, Les Dents du tigre et La Femme aux deux sourires. Il est aisé de reconnaître Lupin dans cet homme élégant et sûr de lui qui s’engage dans la légion, capable de terrasser un géant de deux fois sa taille comme de passer entre les balles des Marocains et de devenir Empereur de Mauritanie
La première aventure de don Luis, c’est Le Triangle d’or. Il apparaît au moment propice, au début de la seconde partie du roman, pour sauver les deux héros de l’aventure, Patrice et Coralie. Dans ce roman, don Luis se présente comme un protecteur, là pour suppléer au capitaine Patrice Belval qui, victime autant qu’acteur du drame, ne peut assumer l’aventure seul. Don Luis est présent dans cette aventure en tant que bon génie qui redresse la barre des événements, mais surtout au-delà de la tragédie particulière de Patrice et Coralie, il recherche l’or afin de soutenir l’effort de guerre. Mais si dans cette aventure Perenna est totalement victorieux, c’est parce qu’il avoue, dès le premier instant, qui il est réellement : « Dois-je prononcer le nom tout crûment ?… Allons-y, mon capitaine. Donc, pour vous servir, Arsène Lupin. » (Le Triangle d’or)
Placée dès le départ sous la bonne étoile de Lupin, l’aventure ne pouvait se terminer que par un triomphe.
Il en est de même pour la deuxième apparition de don Luis, apparition qui se fait sur le même schéma que pour Le Triangle d’or.
Dans L’Île aux trente cercueils, don Luis Perenna n’intervient qu’au moment où le drame semble voir la victoire tortionnaires. Mais de nouveau, c’est Arsène Lupin qui est invoqué. Dans Le Triangle, Ya-Bon inscrit son nom sur un mur, dans L’Île c’est François, le fils de Véronique, qui invoque cette figure mythique de sauveur : « François est persuadé que don Luis Perenna n’est autre qu’Arsène Lupin. D’où une confiance absolue, et la certitude qu’en cas de danger l’intervention miraculeuse se produirait à la minute même où elle serait nécessaire. » (L’Ile aux trente cercueils). Cette confiance enfantine du jeune garçon et du Sénégalais dans le héros de roman qu’est Lupin souligne la force de celui-ci : don Luis Perenna peut tout parce qu’il est reconnu en tant qu’Arsène Lupin.
Dans le roman Les Dents du tigre les choses s’inversent. Don Luis, exécuteur testamentaire d’un ami, se trouve plongé au centre d’une machination criminelle qui fera bon nombre de victimes. Don Luis ne parviendra pas à sauver Marie-Anne Fauville et Gaston Sauverand, seule la dernière héritière, Florence, échappera de justesse à la mort. Son action est entravée par l’identité qu’il ne peut abandonner : ce n’est qu’une fois redevenu Lupin, démasqué par l’ennemi, qu’il pourra sauver Florence et dénouer toute l’histoire : « Le fantôme d’Arsène Lupin !
« Un homme on le vise, on tire sur lui, on le tue. Mais un fantôme ! un être qui n’existe pas, et qui pourtant dispose de toutes les forces surnaturelles !… […] A quoi bon ramasser l’arme tombée et la braquer sur le spectre impalpable d’Arsène Lupin ? » (Les Dents du tigre)
On peut interpréter cette citation de la manière suivante. Don Luis est démasqué, mais c’est encore lui que libère le président Valenglay, c’est encore don Luis qui tombe dans le piège mortel de l’ennemi, mais c’est Arsène Lupin qui s’en échappe miraculeusement et revient terroriser celui qui s’oppose à lui. Perenna peut mourir, Arsène Lupin est immortel.
Dans ses trois principales aventures, don Luis nous apparaît comme un justicier puissant, confronté à des crimes extraordinaires qui nécessitent l’intervention de Lupin. Car, Perenna est faillible, il est entravé dans ses actes par le gentilhomme espagnol et le héros de guerre. Une fois redevenu Lupin, le personnage fantomatique, sans passé ni attaches, les liens avec la société se rompent et il est de nouveau libre d’agir à sa guise. Perenna est un personnage fort, mais également une identité qui est marquée par des aventures plus sombres. Il ne faut pas oublier que Lupin, en tant que justicier, présente aussi des visages plus souriants.
à suivre…
les avatars d’Arsène Lupin – Partie 1
les avatars d’Arsène Lupin – Partie 2
les avatars d’Arsène Lupin – Partie 3
les avatars d’Arsène Lupin – Partie 4
les avatars d’Arsène Lupin – Partie 5