Arsène vs Sherlock 2.0

esteban MarotoArsène Lupin contre Herlock Sholmès, c’est l’histoire d’un rendez-vous manqué… Certes, Leblanc a été un peu indélicat, mais de son côté Doyle s’est montré plus que buté. Je ne veux pas créer un débat, mais honnêtement, la nouvelle « Sherlock Holmes arrive trop tard » qui clôt le première recueil des aventures du gentleman-cambrioleur est un hommage au héros d’Arthur Conan Doyle, et de cette nouvelle aurait pu naître – que sais-je ? – une première ligue des gentlemen extraordinaires sans doute…

Mais revenons-en à l’affrontement. Sherlock devenu Herlock n’est pas si ridicule que le mythe veut bien nous le laisser croire. Certes, le bon Wilson et lui sont des caricatures d’Anglais où le tweed le dispute au flegme so British, l’ego démesuré de Holmes est bien là et Leblanc le détourne pour le rendre déplaisant, alors que chez l’original, on adore cette vanité très bien placée. Donc, si l’affrontement tourne à l’avantage du fanfaronnant Lupin, c’est bien parce que tout est affaire d’ego et que celui de l’auteur est, disons, plus que susceptible…

Et aujourd’hui ? Sherlock est entré dans le vingt-et-unième siècle avec le brio qu’on sait. BBC Sherlock a su faire du héros victorien un génie moderne de la déduction (tout en forçant le trait de la sociopathie) qui s’intéresse toujours aux cendres de cigarettes mais ne dédaigne pas les dernières technologies, tant qu’elles peuvent le servir… Depuis le fameux « The name is Sherlock Holmes and the address 221B Baker Street » je rêve d’un nouvel affrontement entre les deux plus grands héros de la littérature populaire… Rappelons-nous les mots de l’inspecteur Ganimard concernant Lupin : « Il est d’aujourd’hui, ou plutôt de demain »… Qui serait Lupin aujourd’hui ? Que serait-il ? Certainement, le Smartphone lui servirait de rossignol, il adorerait toujours les voitures de course et serait le premier touriste de l’espace… Il aurait toujours les mêmes victimes, politiciens, traders (on disait boursier), Jet-setteurs (l’oisive « bonne » société), exploiteurs de tous poils… et mauvais coucheurs, comme le sieur Gerbois, sa première victime dans Arsène Lupin contre Herlock Sholmès

A notre époque où l’esbroufe fait loi ou on parle de tout à torts et à travers pour ne rien dire au final, Arsène Lupin serait-il à la fête ? Certainement, car il saurait utiliser tout cela à son avantage et avec bon goût (ce qui n’est pas vraiment la norme, avouons-le). Quand on transforme les ascenseurs en ballon dirigeable en 1908, que ne ferait-on pas en 2014 ?

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L’affrontement, sur quel terrain le placer ? Il faudrait certes un défi au niveau des joyaux de la couronne… Mais n’oublions pas que Lupin avait réussi à dérober la Joconde… Imaginez donc ce qu’un tel exploit aurait comme retentissement aujourd’hui ! Et il ne s’arrêterait pas là, il détrousserait tous les musées du globe, tous les milliardaires qui n’accumulent les œuvres qu’au nom du pouvoir de l’argent et certainement pas au nom de celui de la création… Et bien sûr, l’un d’eux viendrait voir le cher Holmes, qui le traiterait pas le mépris dû à tous les petits rois de Bohème, mais accepterait l’affaire pour se frotter au plus grand cerveau criminel de tous les temps, plus grand, oui, que Moriarty, parce que Lupin n’est pas une araignée au centre de sa toile, prête au meurtre, mais un rusé Renart prêt à rire de tout, à danser et à vivre pour et par l’aventure…  Un Lupin défiant toutes les polices du monde, et se moquant d’elles, ce serait un défi à la hauteur de Sherlock et de sa vanité. Ils engageraient le fer comme des duellistes, rendant coup pour coup, mais sans jamais en venir aux menaces de morts. Pas de ça chez Lupin, des pétards, l’esbrouffe, des tours de prestidigitateurs, pas de vraies bombes. Et finalement, Lupin céderait la Joconde pour le salut d’une jolie femme, et s’empresserait de dérober le smart-phone de Holmes (les montres, c’est un peu passé de mode) avant de lui fausser compagnie pour remettre cela la semaine suivante avec ces fameux joyaux de la Couronne.

Peut-être même pourrait-il kidnapper John et lui proposer d’être son bloggeur attitré ? Histoire d’en appeler un peu aux émotions de Sherlock. Et bien sûr, Mrs. Hudson et Molly tomberaient bien facilement sous son charme, et moins pingre que Moriarty, il les couvrirait de roses, qu’il apporterait lui-même au nez et à la barbe du consulting detective, car si Lupin a bien un plaisir coupable, c’est de narguer l’adversaire, aussi Drama Queen qu’un certain Mr. Holmes. Je l’imagine bien prendre le thé à Buckingham, sous le nez d’un Mycroft impuissant, puisqu’il serait alors pour quelques heures l’ambassadeur de France ou un ami intime du prince Harry rencontré sur un champ de bataille…

Mais honnêtement,  doivent-ils être ennemis, Sherlock et Arsène ? Mon fanfaron et votre sociopath, chers amis du Cercle Holmesien de Paris, ont plus en commun qu’on ne le croit (goût du déguisement, de la bonne musique, de la boxe ou de la savate, l’ascétisme, le don d’observation, et j’en passe…).je pense que « ces deux grands artistes » (ALHS)  adoreraient jouer ensemble. Lupin, pas si guignol que ça, choisit souvent des causes nobles (quand ce n’est pas la sienne qui prime, on ne se refait pas quand on est pie voleuse…). Sherlock n’est pas un chevalier blanc et par le passé (comprenez, le canon), il a quelquefois fait sa propre Justice (avec un mépris souverain pour celle des hommes…  Ça ne vous rappelle pas quelqu’un ?) D’Artagnan et Perceval ne pourraient-ils pas s’associer ?… de manière occasionnelle, cela va s’en dire, entre deux jeux du chat et de la souris. Car derrière les combattants, il y a deux hommes qui ne peuvent que s’admirer et se comprendre. Leblanc écrit, alors que son détective anglais a pourtant vaincu (brièvement) Lupin, « Sholmès le regardait, comme on regarde un beau spectacle dont on sait apprécier toutes les beautés et toutes les nuances ». Ne serait-ce pas un beau spectacle que de les avoir tous les deux combattant côte à côte, ces deux gentilshommes ? Une fois la bataille gagnée, ils rentreraient qui au 221B, qui vers l’Aiguille creuse, et Sherlock devrait poser un ultimatum pour récupérer son crâne ou sa fameuse babouche… Non, on ne se refait pas !

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Qui est votre Irène préférée ?

Aujourd’hui, je viens de découvrir sur la page d’accueil de mon ordinateur que c’était la Sainte Irène… mon cerveau étant ce qu’il est, l’association d’idée ce fait aisément : Irène Adler, la femme qui a battu Sherlock Holmes (au jeu de l’intellect, même si pour Messieurs Moffat et Gatiss, le reboot a été plutôt physique) dans la nouvelle Un scandale en Bohème. Et j’ai envie de vous poser la question suivant : Qui est votre Irène préférée ?

La plus emblématique pour moi, c’est Gayle Hunnicutt qui fut la Irène de Jeremy Brett dans l’incontournable série Granada. 

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Cette Irène est celle du canon, et le charme de Gayle Hunnicutt ajoute à l’adaptation fidèle de la nouvelle. 

Cependant, les adaptations modernes ont fait évoluer Irène… Chez Moffat et Gatiss, c’est une « courtisane » dominatrice et bisexuelle… on s’éloigne les garçons, on s’éloigne… Chez Guy Ritchie, Irène est une espionne, proche du personnage de La Vie privée de Sherlock Holmes (Billy Wilder, 1970 – Irène Adler y est incarnée par la française Geneviève Page) et dans la série Elementary… Je ne suis pas encore sûre, je n’ai pas finie de la visionner 😉 … Autant de versions cinématographiques ou télévisisuelles, autant d’Irène… Alors, votre préférée ?

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Rachel McAdams (Sherlock Holmes & Sherlock Holmes – Jeu d’ombres 2009-2011); Lara Pulver (Sherlock, saison 2) et Natalie Dormer (Elementary)

 

 

Pour découvrir les autres interprètes d’Irène Adler (la première en 1921 fut Joan Beverley, dont je n’ai pas trouvé de photos), c’est par ICI

Les Exploits de Sherlock Holmes d’Adrian Conan Doyle et John Dickson Carr

Exploits3Quand le fils marche dans les traces du père… sauf que…

J’avoue avoir lu Les Exploits de Sherlock Holmes (1954) d’Adrian Conan Doyle et John Dickson Carr sur les recommandations éclairées de notre chère Cannibale lecteur, et j’avoue ne pas être du tout de son avis ! Si ces Exploits se lisent facilement, si on trouve un style proche de celui de Conan Doyle, le pastiche ne me satisfait pas pour quelques raisons que je ne peux absolument pas laisser passer. c’est vrai, j’ai été échaudée avec l’horrible suite de Dracula écrite par Dacre Stoker et Ian Holt (tout continuateur lié par le sang est forcé de s’adjoindre l’assistance d’un vrai écrivain, comme c’est bizarre), et que si ce recueil ne m’a pas fait pousser les cris d’orfraie de la suite de Dracula, j’ai grincé des dents quelques fois…

D’abord, j’ai l’impression qu’on pousse le trait ! Si Holmes a des tendances misanthropiques (la légende de sa misogynie m’énerve, trouver moi un moment dans le canon où il est désagréable avec une femme ? Certes, il ne les estime pas des masses… mais soyons honnêtes, vous trouvez qu’il estime les hommes davantage ? Le pauvre Watson en prend d’ailleurs pour son grade à chaque nouvelle, et la seule personne qu’Holmes déclare intelligent, c’est son frère ! Au demeurant, il admire Irène Adler et reconnait à Violet Hunter un sens de l’observation bien au-dessus de la moyenne). Donc, le Sherlock Holmes d’Arthur ne se serait pas permis d’être désagréable, voire insultant avec des femmes, dans ces nouvelles, il ne s’en prive pas, soit disant à cause de Miss Adler ! je crois rêver ! De même, l’animosité de Lestrade est également poussée, je ne me souviens pas qu’il était si rogue envers Holmes (et il aurait été intéressant que ces messieurs se décident : il a une tête de rat ou de bouledogue, l’ami Lestrade ; ces deux animaux ne se ressemblent pas vraiment).

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Mais ce qui m’a surtout énervé, c’est de deviner en un temps record à chaque nouvelle le nom du coupable, d’autant plus que certaines sont tellement proches de nouvelles originales ! Spolier (mon tout premier !) : L’aventure de l’horreur de Deptford, c’est La Bande Mouchetée, sauf qu’au lieu d’un serpent, on a de vilaines araignées cubaines… brrr… sales bêtes. L’Aventure des Anges noirs, c’est Les Cinq pépins d’orange… et je m’arrêterai là, mais on trouve d’autres ressemblances qui n’entretiennent pas le mystère, au contraire. J’avoue donc ne pas vraiment m’être divertie comme je l’espérais, d’autant plus que quelques fautes de traduction (pas besoin de la version originale pour les voir), n’ont pas fait baisser ma pression sanguine. Et la cape ! Sherlock Holmes se baladant dans Londres avec cette fichue cape qui n’apparaît même pas dans le canon (je sais, je m’énerve pour des petites choses, mais les détails sont parfois la cerise…)

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Comme je le disais, la cape et la casquette, popularisées par le cinéma américain, et qui n’ont rien à faire dans les brouillards de Londres !

Grâce à un blog anglophone qui m’a l’air très sympathique (Davy’s Crockett’s Almanack), j’ai les noms des coupables quant à la répartition des nouvelles : Les deux premières ont été écrites conjointement par les deux auteurs (L’Aventure des sept horloges, L’aventure du chasseur d’or), les deux suivants sont l’oeuvre de Carr (L’aventure des joueurs en cire et L’Aventure du miracle de Highgate – et je me rends compte que je les trouve meilleures, mais pas à la hauteur des autres textes de Carr), les cinquième et sixième sont l’oeuvre de Adrian Doyle (L’aventure du sombre baronnet et L’aventure de la chambre hermétiquement close – là encore, l’influence du père est énorme), et les six dernières ont été écrite par Doyle seul car Dickson Carr eut des soucis de santés (L’aventure de Foulkes Rath, L’aventure du rubis d’Abbas – qui rappelle une autre pierre – L’aventure des anges noirs, L’aventure des deux femmes, L’aventure de l’horreur de Deptford, et enfin L’aventure de la veuve – là encore : Le signe des 4).

Globalement je suis déçue, même si, je le répète, ça ressemble assez aux originaux, sans éclair de génie cependant, et ça se laisse lire. Mais pour reprendre la métaphore gastronomique du Cannibale lecteur (mais en passant du liquide au solide), je m’attendais à des chocolats belges, ce fut la version ordinaire du supermarché…

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