Le besoin de s’ancrer dans la réalité Arsène Lupin n’a pas d’apparence définie, ou plutôt il en a trop. Grand, petit, vieux, jeune, blond, brun… Jamais Leblanc ne donne un portrait d’Arsène Lupin. C’est don Luis Perenna, le druide Sénégax ou le colonel Sparmiento qu’il nous décrit, jamais Arsène Lupin. Lupin lui-même donne le ton dès la première nouvelle : « Tant mieux si l’on ne peut jamais dire en toute certitude : Voici Arsène Lupin. L’essentiel est qu’on dise sans crainte d’erreur : Arsène Lupin a fait cela. » (« L’arrestation d’Arsène Lupin »). Mais cette disparition de l’apparence, cette mythification qu’il crée lui-même fait qu’il disparaît : Arsène Lupin est une espèce de croque-mitaine qui terrifie les riches et nargue la police. Il n’a plus de substance. Comme l’explique Anissa Bellefqih dans Arsène Lupin : la transparence du masque, le plus grand et le seul bien du gentleman-cambrioleur, c’est son nom. (idem) Le mythe Arsène Lupin ne peut être ramené à une personne particulière ayant un aspect défini, une histoire connue de tous. Il est à la fois inconnu et célèbre, comme le souligne sa boutade à de à Herlock Sholmès : « j’attends de vos nouvelles […] Comme adresse : Lupin, Paris… C’est suffisant… Inutile d’affranchir… » (Arsène Lupin contre Herlock Sholmès)
Ceci prouve bien que Lupin n’est pas une personne sociale, c’est un hors-la-loi, un marginal. Le problème est alors de conjuguer cette vie en marge avec le caractère mondain et le désir de reconnaissance social propre au personnage. On ne peut pas paraître dans les salons, se mêler au monde si on est recherché par tous les policiers de France : « il [Lupin] s’efface au profit d’une image de lui-même qu’il crée de toutes pièces, d’un personnage légendaire qu’il met en scène de façon spectaculaire, d’un nom glorieux qu’il dissémine en lettres aux journaux ou en cartes de visite. » (Franck Evrard, Lire le roman policier).
à suivre…