Quand on parle des aventures d’Arsène Lupin, originales ou apocryphes, il faut signaler ce qu’on peut appeler un court roman, un essai, ou une confession – selon le point de vue qu’adopte le lecteur, Le secret des rois de France.
Ce roman ( ?…) de 1955 écrit par Valère Catogan nous raconte les véritables origines d’Arsène Lupin : exit Théophraste Lupin et la douce Henriette d’Andrésy, (ce qui tendrait à confirmer ce que Leblanc avoue par inadvertance dans Le coffre-fort de Mme Imbert, que le nom d’Arsène Lupin n’est qu’un nom de guerre, et pas la véritable identité du gentleman).
Valère Catogan nous délivre une nouvelle interprétation du mystère de l’Aiguille creuse, et de nouvelles pistes d’aventures pour traverser le Pays de Caux en se laissant toucher non seulement par sa beauté, mais aussi par son mystère.
Pour ceux qui n’auraient pas envie de lire ce court essai (moins de trente pages) voici les révélations faites à Valère Catogan par le baron Romain Le Mogast, demi-frère d’Arsène Lupin :
L’Aiguille creuse n’était pas le secret des rois de France, Lupin a trompé son monde en donnant une interprétation erronés du message crypté de Louis XVI :
Le message de Louis XVI à Marie-Antoinette ne serait pas :
En aval d’Etretat
la Chambre des Demoiselles
sous le Fort de Fréfossé
Aiguille Creuse
car, une telle révélation n’aurait servi à rien à la reine, et n’explique pas son « pourquoi si tard ». La solution serait:
On découvre la cassette par / Voici l’accès à la clef d’Etat
la Chambre des Demoiselles
dessous le Fort de Fréfossé
le Blanc Etai puis le fleuve
en suivant cette indication, « nous aurons découvert un passage secret – qui existe encore – reliant le donjon d’Etretat à une plage déserte, et cachée, baignée par la Manche »
(p.938).
Cette plage est la clef de bon nombre de mystères historiques, puisqu’elle a permis a des personnages célèbres d’accéder ou de quitter la France comme des fantômes, sans être inquiétés : Jules César s’était établi à Étretat, les romains y avaient des chantiers de constructions navale… Pendant la guerre de cent ans, Henri V débarque pour attaquer Harfleur, dans un lieu jamais cité par les historiens ; le duc de Buckingham, héros de Dumas mais aussi personnage historique, pénètre en France sans jamais être inquiété par les hommes du cardinal…
La duchesse d’Orléans, Henriette d’Angleterre semble avoir emprunté ce passage en 1670 pour négocier un traité d’alliance entre la France et son propre pays.
Louis XVI eut peut-être l’idée de rallier Étretat pour quitter la France, il en fut empêché.
Et enfin, Napoléon abandonna sans explication l’idée d’y bâtir un port de guerre…
Tayllerand, Louis XVIII, Charlemagne, l’impératrice Eugénie… sont également cités.
Enfin, le « vrai » nom d’Arsène Lupin serait Napoléon Sieur, surnommé Sans Eau (il n’a pas été baptisé). Pour preuve, si vous retirer les « o » de ce nom, et que vous remettez les lettres en ordres, vous retrouvez le nom d’Arsène Lupin.
Quand à savoir de qui il est le fils, les langes dans lequel il a été trouvé semble donner un indice : un tissu fin brodé d’un N majuscule, qui donne à l’officier de mairie chargé d’inscrire l’enfant sur ses dossiers l’idée de le nommer Napoléon, à cause de l’Empereur, et Sieur, parce que ce bébé semble déjà un monsieur à la forte personnalité.
Pour ma part :
Je trouve le récit de Catogan charmant, bien construit.
Dans le décryptage du message secret, dans l’explication des faits historiques, il se montre brillant. Si vous vérifiez ses dires dans les livres d’histoire, et dans l’histoire d’Étretat , il ne s’appuie que sur des faits avérés, des endroits existants (comme les tunnels qui courent dans la ville normande).
Mais je continue à croire à Henriette, à la chambre des demoiselles (même s’il y a sûrement plus, Lupin étant Lupin) et au nom charmant d’Arsène Raoul Lupin.
Ce texte, je le vois comme une nouvelle pirouette du gentleman pour brouiller les pistes… le charmant vieillard qui livre si complaisamment tous ces renseignements, ne serait-il pas Lupin lui-même, est-il même réellement mort, ce vieillard, ne cherche-t-il pas à mythifier son propre mythe, et à mystifier une nouvelle fois un lecteur qui, il fait le reconnaître, adore cela ?
Anecdote :
Valère Catogan est un anagramme, celui de « avocat général », la profession de l’auteur de ce petit récit, Raymond Lindon.
Ca a l’air d’être une lecture très agréable, surtout pour les anecdotes historiques qui nourrissent la théorie de Valère Catogan sur le secrets des rois de France et sur l’identité de Lupin. Les ficelles ont l’air parfois un peu grosses mais en 30 pages, difficile de livrer quelque chose de très subtil. A recommander, j’imagine. 🙂
oui, à recommander! Il y a beaucoup moins de pastiches et autres textes apocryphes concernant Lupin – quand je compare au foisonnement (bon et moins bon) du côté de Sherlock Holmes… Mais il y a de la qualité! (euh… non, je ne parle pas de moi, enfin pas spécialement 😉 ). J’essaierai de faire un tour d’horizon des hommages!… Ceux que je connais, et ceux que j’espère découvrir!
(Pour ce texte, on peut le trouver à la Bilipo)
Raymond Lindon fut un des plus hauts magistrats de France (premier avocat général à la Cour de cassation), c’est-à-dire qu’il exerçait une profession où l’on ne rigole pas et où l’on n’est pas censé s’intéresser à Arsène Lupin, ni affecter de la sympathie pour les mauvais sujets, même de fiction… Également maire d’Étretat et fin connaisseur de la petite cité cauchoise (ce qui lui permit d’élaborer sa théorie alternative sur « L’Aiguille »), c’est cette profession qui l’obligea à user d’un pseudonyme pour publier le petit essai en question… chez son fils, puisque les Éditions de Minuit étaient dirigées par son fils Jérôme.
À noter que Raymond (qui semble toujours en vie à ce jour, né en 1901, ça lui fait 112 ans, chapeau!) est également le grand-père de l’acteur Vincent Lindon et que, la famille étant juive (« Lindon » est la francisation de « Lindenbaum »), Raymond Lindon participa à la création de l’État d’Israël.
merci pour toutes ces informations ! Je savais pour Etretat et la profession d’avocat, mais pas pour la « parenté » avec les éditions de minuit, comme celle plus réelle avec Vincent Lindon.